De joyeux naufragés
Il y avait maintenant cent-quatre-vingts jours que les quatre naufragés s’étaient vus échoués sur cette ile verdoyante située aux environs des côtes uruguayennes ou de celles du Venezuela. Le capitaine, personnage amène, connaissait la raison de la submersion de son trois-mâts; une bourrasque accompagnée de forts typhons était venue à bout de la voile d’étai, entrainant dans sa chute le galhauban et la misaine. Deux baise-en-ville en maroquin contenant quelques instruments de musique avaient été sauvés du naufrage. C’est au son des tamtams que les marins allèrent quérir le capitaine, probablement égaillé dans ce bois teinté de vert prasin. Ce dernier s’était pris d’amitié avec un gibbon et ils gambadaient tous les deux au son de ce tintamarre. Surmontant une faim-calle, ils redoublèrent d’énergie et dansèrent bientôt quelques pasodobles bien connus. Tous s’en revinrent allègrement en jouant des ballades dissonantes.
— Dictée Éric-Fournier, Johanne Renaud